Déloftisation

Bon, ça commence à bien faire, on s'ennuie, il est temps d'en sortir. C'est entendu, je me suis trompé, Julie a été virée, Loana va sans doute l'emporter, c'est-à-dire, avec elle, l'image magazine absolue. Elle est blanche, blonde, enveloppée, sucrée, elle sourit tout le temps, elle n'a plus pour concurrente que la méchante sorcière Laure, on est dans un conte de fées, les deux chevaliers restants ont l'air fourbus, cette histoire tourne au cauchemar mal climatisé, il faudrait un acte de violence inouï pour nous réveiller, n'y comptons pas, Le Radeau de la Méduse va aller jusqu'au bout de sa course. Et alors, vous, là, avec Kenza ? Vous l'avez vraiment rencontrée ? Vous avez déjeuné avec elle ? Elle va écrire un livre pour la rentrée ? Vous l'interrogez ? Vous la rewritez ?

Eh bien, c'était un moment parfait, percutant, bien enlevé. Kenza est rapide, très intelligente, elle pourrait avoir autant de talent que des tas de filles qui continuent à publier des romans inutiles. Sa vie, d'ailleurs, est un roman. Père irakien, mère algérienne, enfance à Bagdad sous les bombes, que voulez-vous qu'elle fasse sinon se libérer de cette réalité plombée. Père religieux, mère courageuse : premier chapitre. Ensuite, le hasard, la sélection pour le Loft, les tests, l'apprentissage des coulisses de la caméra universelle, le désir naturel de devenir célèbre, de présenter un jour, pourquoi pas, le journal de 20 heures sur une grande chaîne.

Qu'est-ce qui intéresse vraiment Kenza ? Le journalisme. Elle y serait compétente, charmante, dure, douce quand il faut, on verra bien. Pour l'instant, je garde son numéro de portable, on reprendra contact à la rentrée, rien ne presse, je l'introduirai peut-être en profil perdu dans un prochain livre, ça pourrait être la fille de Loft Story à qui j'avais dit qu'elle avait « un minois d'écrivain » et qui avait trouvé ça gentil, qui m'avait appelé pour me remercier, etc. Tout cela transposé, bien sûr. Remarquez ma discrétion : je ne vous dis rien de ce qu'elle m'a raconté de ses partenaires. Non, non, no comment. Il faudra attendre mon prochain roman. J'ai déjà d'autres personnages en cours, j'étudie la façon dont ils vont réagir les uns sur les autres.

01/07/2001