14-Juillet

Il pleut, les avions seront invisibles (mauvais présage), le roi d'Espagne est royal et raide, sa reine de femme sourit à Bernadette qui se tient très bien. Chirac est majestueux, il va parler tout à l'heure, les forces armées sont sous son commandement, et aussi la gendarmerie, la police, l'École polytechnique, la Légion étrangère. Il les jauge, il est leur chef.

D'ailleurs, nous y voici : la sécurité, je dis bien la sécurité, et je le répète, la sécurité. L'État, c'est la sécurité, et encore la sécurité. Et comme l'État c'est moi, la sécurité c'est moi. Je discerne là, pas loin, des individus qui voudraient affaiblir l'autorité de l'État, donc la mienne. C'est inadmissible. On ne les connaît que trop, ces hommes de l'ombre. Une école de pensée, je dirai même une école philosophique. Des affaires ? Quelles affaires ? On s'en prend à ma famille, à ma femme de très bonne famille, à ma fille, et pour aboutir à quoi ? À un pschitt !

Ce pschitt présidentiel a aussitôt fait le tour de la machine médiatique. Génial, ont dit les uns, « pschitt toi-même », ont dit les autres. Aux Français de juger. Mais ce qu'on a retenu de ce sermon musclé, c'est la litanie l'État-les Français-l'État-les Français-l'État. L'État est mal géré (par le gouvernement), les Français sont mécontents et inquiets, les fonds spéciaux devraient être gelés, les juges se contredisent, tout cela affaiblit l'État, donc moi. On me blesse, on blesse l'État. Les Français auxquels je m'adresse directement et impérialement, sont comme des grenouilles en tas qui réclament davantage d'État. Mon royaume pour de l'État ! Je vous parle les yeux dans les yeux : c'est moi ou le chaos, l'État ou la jungle. Votez État, votez moi.

Discours bonapartiste, et on sent l'angoisse des Cent-Jours derrière. C'est la déliquescence, le laxisme, vous avez besoin d'un Protecteur. La République étant en danger, c'est à se demander s'il ne faudrait pas restaurer la Monarchie ou l'Empire. En tout cas, le temps est peut-être passé d'une situation intermédiaire, celle du monarque républicain, avec ses privilèges, son impunité, ses passe-droits, sa famille, sa fille officielle ou cachée, ses vacances photographiées, ses voyages, ses hôtels de luxe. Tout cela, qui sait, est peut-être finalement démodé ? Lofté ?

29/07/2001