Drogues
Il serait naïf, dans ces conditions, de s'étonner de la prolifération des drogues en « free parties » ou ailleurs. La déréalisation entraîne une contre-déréalisation bruyante et hallucinée. Le vacarme et le speed, l'assourdissement et la « descente » plus ou moins détendue se confondent. Les produits se démocratisent, et d'ailleurs la mafia l'a compris depuis longtemps. Comme lecture de vacances, je recommande donc Les Paradis artificiels de Baudelaire29 et le tome II de la Pléiade d'Henri Michaux30. De fantastiques et marginaux qu'ils paraissaient être, ces textes magnifiques sont devenus réalistes. Aucun roman naturaliste ou social n'est aussi passionnant.
Baudelaire : « C'est en effet à cette période de l'ivresse que se manifeste une finesse nouvelle, une acuité supérieure dans tous les sens. L'odorat, la vue, l'ouïe, le toucher participent également à ce progrès. Les yeux visent l'infini, l'oreille perçoit des sons presque insaisissables au milieu du plus vaste tumulte […] Les sons se revêtent de couleurs, et les couleurs contiennent une musique […]. Les notes musicales deviennent des nombres et si votre esprit est doué de quelque aptitude mathématique, la mélodie, l'harmonie écoutée, tout en gardant son caractère voluptueux et sensuel, se transforme en une vaste opération arithmétique, où les nombres engendrent les nombres et dont vous suivez les phases et la génération avec une facilité inexplicable et une agilité égale à celle de l'exécutant. »
Michaux : « Des présences sont partout, nuages plus légers que vapeurs. Tout se répond. C'est une folie d'harmonie, de correspondances de toutes sortes, entre les personnes, les impressions, les idées, comme entre les odeurs, les sons, les mots, les voyelles, les couleurs qui se répondent, se substituent les unes aux autres et sur tous les registres, subitement se traduisent et s'échangent. »
Le problème est posé. Poésie ou violence, musique ou bruit. Prenez de l'avance. Je n'ai rien contre la techno, mais je crois pouvoir démontrer que les sensations sont mille fois plus fortes et subtiles avec un quintette de Mozart.
29/07/2001