Doris, mon amour
Qu'est-il arrivé à Doris Lessing ? La voilà qui, tout à coup, défie le grand parti féministe et se plaint que les hommes d'aujourd'hui sont maltraités par les femmes, qu'il faut espérer qu'ils réagiront, etc. La contre-attaque ne s'est pas fait attendre : pan sur Doris Lessing. Ce qu'elle dit est faux, bien sûr, mais vrai d'une autre façon que celle que l'on feint de croire. Les écrivains sont étranges, ils sentent des choses de la vie intime, leur lucidité se porte ensuite sur un côté inaperçu de la vie sociale.
Ainsi de Michel Houellebecq et de son dernier roman Plateforme31. On va l'accuser de faire l'apologie du tourisme sexuel en Thaïlande, alors qu'à travers son narrateur fatigué par la vie, il prend acte d'une réalité économique brutale, celle de l'offre et de la demande. Les femmes occidentales, dit-il, sont en train de se délester de la sexualité, ou ne l'utilisent plus que dans un but de consolidation sociale. Les femmes asiatiques, dans la misère, proposent des services plus physiologiques aux clients. C'est très condamnable, mais exact. La vertu occidentale est fausse, le vice asiatique pourri. Les deux font affaire, sur le dos de celles (et de ceux) qui sont obligées de vendre ce qu'on pourrait appeler leur force de plaisir. Tout cela sous forme d'exploitation implacable, comme le reste. Houellebecq se mêle de ça, ça le regarde. Je tiens quand même à préciser que je ne suis à aucun degré un touriste sexuel (un touriste non plus, d'ailleurs).
26/08/2001