Oussama
Avouez que vous ne vous attendiez pas à un spectacle de cette envergure. Les bombardements : vous ne voyez rien, c'est la nuit, des taches blanches poudroient sur un écran vert. Tout semble avoir lieu sous l'eau, on ne vous dira que le minimum, censure militaire oblige. Boum-boum-boum-boum. Aquarium sur Kaboul, commandos spéciaux, nouvel avion cracheur de feu, c'est l'occasion technique de tester le nouveau matériel, comme pendant la guerre du Golfe. Et puis, soudain, le Vieux de la Montagne surgit en chair et en os. Une télévision imprévue annule toutes les autres : Al-Jazira. On s'en souviendra de celle-là : les parts de marché explosent, l'Audimat s'envole, al-jazira, jazira, jazira, les Occidentaux à la lanterne ; al-jazira, jazira, jazira, les Occidentaux on les pendra.
Voici Dieu lui-même, ou en tout cas son prophète, entouré de ses apôtres en armes, assis tranquillement devant une grotte du plus bel effet architectural. L'homme des cavernes succède aux cols blancs et aux golden boys du World Trade Center. Dieu va parler, il prend un micro, il s'exprime avec une voix d'outre-tombe, visage fatigué et pâle, barbe un peu poussiéreuse, regard intense et charbonneux. Que dit-il ? Que le grand Feu final est allumé, une vraie fournaise ; qu'il va dévorer jusqu'aux entrailles les incrédules et les anéantir ; que le Jour est venu où les humains seront semblables à des papillons dispersés et les montagnes comme des flocons de laine, etc., etc. C'est du bon Coran récité sans arrêt, et destiné à pétrifier de peur les infidèles, autrement dit la planète entière. Il est fabuleux, cet Oussama milliardaire ascétique, il vient de déclencher la troisième guerre mondiale, ce n'est qu'un début, dit-il, des avions suicides sont prêts un peu partout, des candidats au paradis s'entraînent. Dieu est miséricordieux, il tient à vous prévenir, un courrier de sa part va vous parvenir.
28/10/2001