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Oussama à la télé, Poutine applaudi par le Parlement allemand à Berlin, la Terre tourne vite. Mais la photo la plus parlante du nouveau siècle est sans doute celle prise à Shanghai, où on voit Bush, Poutine et Jiang Zemin debout côte à côte dans la lutte contre le terrorisme mondial. L'humour chinois est subtil, oblique et énorme. Bush et Poutine ont été priés de revêtir des vestes chinoises traditionnelles en soie, comme Jiang Zemin. Mais Bush et Poutine ont la même en bleu, tandis que celle de Jiang Zemin, tout souriant, est rose. Voilà un message crypté, et j'entends d'ici d'anciens maoïstes impénitents ricaner dans l'ombre. Ils ont tort, c'est très inquiétant. Si vous riez, vous rirez jaune.

Le matin même, au petit déjeuner, Jiang Zemin relisait une citation de Mao : « Que signifie l'apparition d'un nouveau processus ? Cela signifie que l'ancienne unité et les contraires font place à une nouvelle unité, à ses nouveaux contraires ; alors naît un nouveau processus qui succède à l'ancien. L'ancien processus s'achève, le nouveau surgit. Et comme le nouveau processus contient de nouvelles contradictions, il commence sa propre histoire de développement des contradictions. » Les hommes en bleu ont l'air soucieux, l'homme en rose est une fleur du mal épanouie. Rien à voir avec l'illuminé des ténèbres Ben Laden. Comprenne qui pourra ce jeu de symboles. Il est tout de même plus intéressant à observer que le tailleur popote de Bernadette.

Il est évident que les vrais enjeux de la guerre dépassent de loin l'Hexagone : le pétrole, le gaz et la drogue se situent loin d'ici. Comme le rappelle l'écrivain indienne Arundathi Roy : « Deux ans après l'arrivée de la CIA, la frontière pakistano-afghane était devenue le plus gros producteur d'héroïne, la principale source d'approvisionnement pour les villes américaines. Les bénéfices annuels se situaient dans une fourchette entre cent et deux cents milliards de dollars. » La culture du pavot va-t-elle reprendre de plus belle en Afghanistan malgré l'interdiction divine ? Jiang Zemin a l'air de le penser : il doit avoir ses raisons.

28/10/2001