Nietzsche
Bon, changeons d'air, et lisons par exemple le numéro hors série du Magazine littéraire consacré à Nietzsche. Nietzsche est comme Voltaire, dix lignes de lui suffisent à vous remettre la tête à l'endroit. Écoutez : « Finalement, il en sera comme il en a toujours été : les grandes choses appartiendront aux grands hommes, les profondeurs aux hommes profonds, le raffinement et le frisson aux hommes raffinés, et, en un mot, tout ce qui est rare aux hommes rares. »
Un mot clé de Nietzsche est Neiterkeit, que l'on peut traduire par « belle humeur ». Exemple : « L'esprit de belle humeur ensoleillée, de tendre légèreté de Mozart, dont la gravité respire la douceur et non pas la terreur. » Ou bien : « Conserver sa belle humeur quand on s'est engagé dans une affaire ténébreuse et extrêmement exigeante, ce n'est pas une mince affaire ; et pourtant quoi de plus indispensable que la belle humeur ? »
Et encore, dans Nietzsche contre Wagner, ceci, qui dit l'essentiel : « Je me pose la question : que veut donc de la musique mon corps tout entier ? Car il n'y a pas d'âme… c'est, je crois, son allégement ; comme si toutes les fonctions animales devaient être accélérées par des rythmes légers, hardis, turbulents ; comme si l'airain et le plomb de la vie devaient oublier leur pesanteur grâce à l'or, la tendresse et l'onctuosité des mélodies. Ma mélancolie veut se reposer dans les cachettes et les abîmes de la perfection ; voilà pourquoi j'ai besoin de musique. »
Le dernier disque de Cecilia Bartoli est une suite d'airs italiens de Gluck32. Il est au-delà de l'éloge. La publicité, bizarrement, dit de lui qu'il est « sublime, forcément sublime ». Je me demande qui est l'auteur de ce clin d'œil dévastateur. Plus contraire à Marguerite Duras que Bartoli, tu meurs. Chacun ses goûts. Cecilia, elle aussi, est « réfugiée » au XVIIIe siècle. Et c'est à elle, au fond, qu'est dédiée cette formule mystérieuse de Nietzsche : « Sans la musique, la vie serait une erreur. »
28/10/2001