Paradis
Les fanatiques d'Al-Qaida vont tout droit au Paradis coranique, on le sait, et Ben Laden (toujours introuvable à l'heure où j'écris ces lignes) nous prévient qu'il possède des armes chimiques et nucléaires qu'il emploiera peut-être un de ces jours. L'empoisonnement de l'eau potable dans les villes est une possibilité. Quelques explosions ne sont pas exclues, par exemple celle, déjouée au dernier moment, de la cathédrale de Strasbourg. Pendant ce temps, dieu sait ce qui se passe dans les comptes aux Philippines, en Malaisie, en Indonésie, aux Bahamas, aux îles Caïmans, au Luxembourg, à Monaco, à Hong Kong, en Suisse. Les îles Cook me font rêver, Rarotonga est plus centrale qu'on ne croit. Les Antilles, Chypre, Malte, Gibraltar ont des secrets que j'aimerais connaître.
Combien de trous blancs sur la planète ! Pour ne prendre qu'un exemple merveilleux et cocasse, qui aurait pu penser que Guernesey, îlot sanctifié par la présence de Victor Hugo, ses déferlements réguliers d'alexandrins et ses tables tournantes, deviendrait un paradis noir de rotation accélérée des capitaux ? Le grand exilé inspiré de Hauteville House a-t-il discerné, au loin, cette métamorphose imprévue ? L'auteur des Misérables, seul sur son rocher, pouvait-il soupçonner qu'il était assis sur un avenir numérique ? J'étais, il y a quelques jours, à Genève. Quel était le livre en train de s'envoler dans les librairies ? Le Coran. J'avais bonne mine avec mon Mozart ! Les Suisses se mettant au Coran, avouez qu'il s'agit d'un scoop mondial ! Est-ce la faute de Rousseau ? De Voltaire ? À qui se fier, désormais, si les banquiers se mettent à lire les sourates en cachette ? Le Coran va-t-il envahir les tables de nuit des hôtels à côté de la Bible ? Il faut y penser, puisque les blanchiments privilégiés d'argent sale sont le tourisme, l'hôtellerie, les golfs, la restauration, les casinos et tout ce qui touche au spectacle. Un chiffre, un seul (car je pourrais m'étendre sur tout ce qui a lieu, en ce moment même, en Russie, en Hongrie, en Ukraine, en Syrie, ou dans l'île Nauru) : l'intégration de l'argent blanchi (ou noirci) à l'économie légale est aujourd'hui estimée à trois mille milliards de dollars. Ce n'est pas rien, aurait dit ma grand-mère. C'est même trop pour l'imagination. Une seule solution, donc : marchons.
25/11/2001