Le corps du diable
Que faire d'Oussama Ben Laden ? Il est peu probable qu'il soit capturé vivant et traduit devant la justice. Le procès, pourtant, serait exceptionnel, les révélations fracassantes. Condamné à mort, son exécution par injection létale filmée serait un document inouï. Un accusé qui débiterait des numéros de comptes secrets entre deux citations du Prophète mérite, de toute façon, d'inspirer un grand roman ou un feuilleton télévisé. On doit y travailler. Mais, mort, que faire de son cadavre ? Le présenter en posture christique, comme Guevara ? Non, mauvaise publicité pour martyr. Mais alors, sous quelle forme ? Disparu dans un éboulis de bunker ? Enfoui sous les gravats ? Sans doute, mais comment éviter la légende de sa fuite nocturne, de son invincibilité magique, de son élection diabolique divine ? Telles sont les questions que se posent, désormais, les spécialistes de la mise en scène. Oussama doit mourir, c'est un fait. On attend le scénario, les détails, les photos, les cassettes. Sera-t-il trahi par un de ses gardes du corps (des mallettes remplies de dollars accompagnent les commandos américains ou britanniques au sol) ? Se suicidera-t-il comme Hitler (mais non, le Coran le lui interdit) ? La pression monte, la traque se rétrécit, on attend avec impatience la phase finale. C'est ce qui s'appelle entrer dans l'Histoire en fanfare, pour la plus grande gloire du voyeurisme communicationnel.
25/11/2001