Moscou
Les Russes nous étonneront toujours. Après avoir réduit Marx à un catéchisme d'application sinistre, voici qu'ils le déclarent « nuisible » pour la population et sa formation patriotique. Un jeune écrivain non conformiste, Viktor Pelevine, est mis dans le même sac réprobateur. C'est que la littérature, voyez-vous, doit être nationale et morale, et que « certains auteurs portent atteinte à l'esprit des Russes ». Il y a donc lieu de faire des listes d'« auteurs nuisibles ». Dans un roman, par exemple, il n'est pas souhaitable de mourir d'une overdose, mais très bien que ce soit « pour la patrie ».
Une télévision d'opposition à Poutine était « dépravée » : depuis, elle a été mise en liquidation. Voilà qui va faire plaisir aux Tchétchènes, chaque jour massacrés par l'armée russe dans l'indifférence quasi générale, sauf les protestations répétées d'André Glucksmann, dont il faut lire le beau Dostoïevski à Manhattan35. Nuisible à la connerie, à la bestialité et à l'hypocrisie ambiantes : voilà pourtant ce qu'un penseur ou un écrivain doit être, et, pour cela, tous les genres sont permis.
27/01/2002