Algérie

La chaîne de télévision américaine CBS interviewe le général Aussaresses en tant qu'expert dans la lutte contre le terrorisme. Pas un mot de ses activités pendant la guerre d'Algérie, sous prétexte que cela n'intéresserait pas le public américain. Je recommande donc la lecture du premier roman de Jean-Pierre Robert, L'Écho du silence36. Voici la torture d'époque :

« Au centre de la chambre de torture trônait une grande bassine pleine d'eau où, devant lui, ils urinèrent copieusement. Puis l'un d'eux le saisit par les cheveux et plongea sa tête sous l'eau. Il n'aurait pas voulu boire, mais quand il suffoqua, il fallut bien ouvrir la bouche dans le liquide nauséabond qui brûlait la langue et les gencives. Autour de lui, ils triomphaient, disant que c'était un bon début qui allait lui délier la langue […]. Puis ils le poussent dans la grande cour de la caserne jusqu'à un trou où ils le jettent, et par-dessus ils versent des brouettes de sable jusqu'à ce que seule sa tête soit à l'air libre et, tout autour, ils tassent le sol à grands coups de talon. Quand ils s'arrêtent, ils viennent, l'un après l'autre, cracher sur sa sale gueule tuméfiée, et puis ils s'en vont. L'air est encore un peu frais et la lumière douce, parce que c'est le matin. Il reste là, incapable du moindre mouvement, à attendre Dieu sait quoi, dans le calme et le silence, après tant de cris et de coups. »

Dans ses magnifiques Cantos, récemment réédités (mal) en français37, Ezra Pound, enfermé, après la guerre, dans une cage en plein air, dit que les pensées des gardiens sont inférieures à celles des prisonniers. Cela est vrai partout, et sous tous les régimes.

27/01/2002