La douleur

Eh bien, je ne m'attendais pas à constater qu'Alphonse Daudet est un grand écrivain, comme le prouve, à mon avis, ce petit livre terrible, La Doulou (la douleur), réédité récemment41. Chaque fin de siècle a sa maladie, le XXe le sida, le XIXe la syphilis. Elle plane sur Balzac, Stendhal, Flaubert, Baudelaire, le plus jeune des Goncourt, Maupassant. Daudet écrit au jour le jour sa souffrance, la montée des symptômes, avec une lucidité admirable. « Pas d'idée générale sur la douleur. Chaque patient fait la sienne, et le mal varie, comme la voix du chanteur, selon l'acoustique de la salle. » « Toujours faire appel à sa volonté pour les choses les plus simples, les plus naturelles, marcher, se lever, s'asseoir, se tenir debout, quitter ou remettre son chapeau. Est-ce horrible ! Il n'y a que sur la pensée et son perpétuel mouvement que la volonté ne peut rien. Ce serait pourtant si bon de s'arrêter, mais non, l'araignée va, va, nuit et jour, sans trêve, seulement quelques heures, à coups de chloral. Car voilà des années et des années que Macbeth a tué le sommeil. »

31/03/2002