La reine

Une fois Bernadette élue (comment ne le serait-elle pas ?), tout continue comme avant dans le meilleur des mondes possibles. L'Autrichien Haider, l'Italien Berlusconi arrêtent de se moquer de notre beau pays. Le vilain Messier est banni. Un Te Deum à Notre-Dame fait un effet émouvant. Il n'y a qu'à prendre exemple sur les Anglais, le peuple le plus surréaliste de la planète qui, pendant des heures, a attendu pour défiler devant le cercueil de la reine centenaire.

Je la revois, « cette femme la plus dangereuse d'Europe » (dixit Hitler), lors de sa visite à Bordeaux après la guerre. J'ai dix ans, elle embrasse les quelques enfants présents, elle lit un petit discours, elle est toute mignonne. « Nous voici reuveunyou (fort accent) dans notre bonne ville de Bordeaux. » Le vin, le claret, Aliénor d'Aquitaine, le Prince Noir, vieille histoire. Les Bordelais, dont je suis, sont très réservés sur Jeanne d'Arc, Louis XIV, Robespierre, Napoléon. Ils aiment Montaigne, toujours : « revenons à nos bouteilles ». Et Montesquieu. Et le vibrant Mauriac qui, pour la croix gammée des nazis, a trouvé, en son temps, la meilleure métaphore : « Une araignée gorgée de sang. » Quoi qu'il en soit, la mort de cette vieille reine à chapeaux extravagants est, avec les images du vieux Jean-Paul II épuisé, un événement qui me touche.

Nous sommes loin de l'Hexagone ? En effet, Bernadette n'est pas reine, et c'est dommage. Mais au train où vont les choses, on ne sait jamais. Peut-être dans cinq ans ? Avec une sorte de Tony Blair comme Premier ministre ? D'ici là, il se sera passé beaucoup de choses dans les rues.

28/04/2002