Triomphe

Nous avons eu le séisme, nous avons eu le sursaut. Les Français sont un peuple électrique et imprévisible : ils aiment les convulsions, les tourbillons, les manifestations, la collectivisation des émotions. D'un côté, Jeanne d'Arc, de l'autre, Napoléon. On défile, on crie, on se presse. Le plus étrange est que, cette fois-ci, tout le monde brandissait le même drapeau, le bleu-blanc-rouge, dans un élan venu des profondeurs de l'oubli. La République était en danger, il fallait écraser l'Infâme, l'Imposteur qui osait se présenter avec les mêmes couleurs. Ce mois de mai 2002 est une des grandes dates de l'histoire de France. Ce pays était en déclin, il allait disparaître ? Mais non, il est là, debout, jeune, éternel, allons enfants de la patrie, le jour de gloire est arrivé. La Bête immonde était prête à profiter de l'occasion patriotique : son complot a échoué, que les cloches sonnent, que la techno résonne dans tous les sens. Un plébiscite, voilà, et qui laisse rêveur, dans sa tombe, Napoléon III. Le père Hugo, lui-même, brandissait son drapeau place de la République. Je l'ai vu. J'y étais. Il m'a fait un petit geste de la main qui, malheureusement, a échappé aux caméras de télévision. Tout le monde n'avait d'yeux que pour le couple présidentiel, Chirac plus jeune que jamais, habillé en sportif de choc, Bernadette, à ses côtés, maternelle, émouvante, modeste, sachant dissimuler que, sans elle, l'Hexagone était sur le point de sombrer. Victoire de la République et photo fraîche : le parc de l'Élysée, une conjugalité transcendante, un petit caniche blanc courant et jappant dans l'herbe. Je suis attendri, j'essuie une larme, je pense au désarroi de Chevènement qui s'est fait voler son Pôle républicain vers lequel toute la limaille française s'est précipitée quand il le fallait. Ne nous parlez plus du déserteur Jospin, qui ose se montrer en touriste à Palerme. Voilà donc ce que cachait son programme d'atelier : un désir de vacances au soleil.

26/05/2002