Toujours Voltaire

On ne se lasse pas de Voltaire : question de style. Exemple : « Que répondre à un homme qui vous dit qu'il aime mieux obéir à Dieu qu'aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ? » Ou encore : « Lorsqu'une fois le fanatisme a gangrené un cerveau, la maladie est presque incurable. J'ai vu des convulsionnaires qui s'échauffaient par degrés : leurs yeux s'enflammaient, tout leur corps tremblait, la fureur défigurait leur visage, et ils auraient tué quiconque les eût contredits. Oui, je les ai vus, ces convulsionnaires, je les ai vus tordre leurs membres et écumer. Ils criaient : il faut du sang51. »

Même plaisir immédiat avec Nietzsche : « Il ne nous semble pas probable qu'on nous décapite, que l'on nous enferme, que l'on nous bannisse, nos livres ne seront même pas interdits ou brûlés. L'époque aime l'esprit, elle nous aime, quand même nous lui donnerions à entendre que nous sommes des artistes dans le mépris ; que tout rapport avec les hommes nous cause un léger effroi ; que malgré notre douceur, notre patience, notre affabilité, notre politesse, nous ne pourrions persuader notre nez d'abandonner l'aversion qu'il a pour le voisinage des hommes ; que moins la nature est humaine, plus nous l'aimons ; que nous aimons l'art quand il est la fuite de l'artiste devant l'homme, ou le persiflage de l'artiste sur l'homme, ou le persiflage de l'artiste sur lui-même… »

Peu de livres, aujourd'hui, vous parlent aussi directement que Le Gai Savoir. Peu sont aussi romanesques. Mais dites-moi, vous n'écrivez pas de vrais romans ? Vous trouvez ? Alors, mettons que ce soient des romances. Vous aimez beaucoup les citations ? Pas les citations, les excitations. Écrire est une joie, publier est une autre affaire.

En quelques semaines, j'ai été traité successivement de « mandarin », de « bookmaker », de « parrain ». Il paraît que je manipule tout, que je suis partout, que je tire toutes les ficelles. Mes réseaux sont immenses, mon pouvoir illimité, mes interventions incessantes. On m'a vu à la même heure en plusieurs endroits à la fois, et même, simultanément, sur cinq chaînes de télévision.

La victoire des Verts en Allemagne, c'est moi (à travers Cohn-Bendit). Le coup grotesque de la « maison bleue », en France, c'est encore moi. Et, bien entendu, le Journal de Sylviane Agacinski52, c'est toujours moi (nous l'avons écrit, dans l'île de Ré, ensemble). « Sollers charrie », ai-je lu dans un magazine. Formule un peu vulgaire, mais signée d'un nom féminin aristocratique. C'est sans doute une proposition.

29/09/2002