Prix
Je n'aurai pas de prix littéraire, les libraires m'ont boudé, je suis accablé. On dit que Le Clézio m'a privé du Renaudot. C'est possible, il est tellement rêveur. Nous jouons dans le même film depuis des années, lui le bon, moi le méchant, Modiano ambigu, Angot et Houellebecq au saloon, Quignard en pasteur ascétique. Dans la dernière scène du western, on voit Le Clézio partir vainqueur dans le soleil couchant, pendant que, dans le cimetière, ma main se crispe une dernière fois sur la poignée de dollars que je n'atteindrai jamais.
Jouer sa propre agonie n'est pas si facile, et pourtant je ne m'en lasse pas. Pourrais-je incarner un jour le bon cow-boy sur fond de déferlante musicale ? M'éloigner fier et dédaigneux dans le désert mexicain ? Non, rien à faire, chacun doit jouer son rôle. Le pasteur Quignard m'enterrera vite avec quelques mots en latin. Angot et Houellebecq boiront à ma mémoire au saloon. Modiano dira à mon sujet une phrase rapide et incompréhensible à la banque. De là à titrer, comme Le Figaro Magazine : « Guerre civile chez Gallimard », il y a un abîme. C'était du cinéma, voyons.
27/10/2002