Flaubert

Dans son alerte et passionnant Neveu de Lacan59, Jacques-Alain Miller, en évoquant la situation française actuelle, rappelle fort à propos le grand projet paradoxal de Flaubert contre la bêtise : démontrer que les majorités ont toujours raison, les minorités toujours tort. Voici de l'air :

« J'immolerai les grands hommes à tous les imbéciles, les martyrs à tous les bourreaux, et cela dans un style poussé à outrance, à fuser. Ainsi, pour la littérature j'établirai, ce qui serait facile, que le médiocre étant à la portée de tous est le seul légitime, et qu'il faut donc honnir toute espèce d'originalité comme dangereuse, sotte, etc. Cette apologie de la canaillerie humaine sur toutes ses faces, ironique et hurlante d'un bout à l'autre, pleine de citations, de preuves – qui prouveraient le contraire – et de textes effrayants, ce serait facile, et dans le but dirais-je d'en finir une fois pour toutes, avec les excentricités quelles qu'elles soient. Je rentrerai par là dans l'idée démocratique moderne d'égalité, dans le mot de Fourier que les grands hommes deviendront inutiles. Et c'est dans ce but dirai-je que ce livre est fait. On y trouverait donc par ordre alphabétique sur tous les sujets possibles tout ce qu'il faut dire en société pour être un homme convenable et aimable. »

C'est dit : je me mets à un Nouveau dictionnaire des idées reçues.

30/03/2003