Virus

On attendait la variole ou l'anthrax, mais pas le SRAS, syndrome respiratoire aigu sévère. Bombes à Bagdad, masques à Hongkong et Pékin. Dans ce tourbillon général, le vieux Castro en profite pour faire exécuter quelques prisonniers qui voulaient sans doute, selon les mots de l'inénarrable Poutine, « exporter la révolution capitaliste et démocratique ». L'exportation virale est plus subtile, étonnez-vous si elle est chinoise et transite par le Canada. L'Asie vous coupe le souffle, le nouveau virus est évolutif, s'insinue partout, mute, voyage, tourne autour de vous. Ophélie, ma libraire, ne veut plus recevoir de clients chinois. Je lui conseille, sans succès, la lecture du Huai-nan zi, deuxième volume des Philosophes taoïstes qui vient de paraître en Pléiade60. C'est pourtant lumineux : « Il aime à fermer les yeux dans la grande nuit et à s'éveiller pour regarder dans la maison de l'éclatante lueur. Il se repose et respire dans un lieu sans contours, vague, et se divertit dans la campagne de l'informel. Il habite un endroit sans aspect, il réside dans le sans-lieu. Il se meut dans le sans-forme, se tient en repos dans l'incorporel. Il existe comme s'il n'existait pas, vit comme s'il était mort, sort du sans-intervalle et y pénètre. […] Le commencement et la fin des choses sont, pour lui, comme un anneau dont nul ne peut saisir l'extrémité. » Cause toujours, me dit le visage fermé d'Ophélie. Je sens que je n'arrange pas mon cas en lui achetant Le Gai Savoir de Nietzsche. Ophélie déteste Nietzsche. Elle ne l'a pas lu, mais c'est comme ça.

27/04/2003