Irak

L'envers du lyrisme logométrique à la Villepin, c'est ce qu'il faut bien appeler le nihilisme ordinaire. Par exemple, dans le dernier petit livre de Frédéric Pajak, Nietzsche et son père67. Nietzsche, platement, ne serait pas arrivé à tuer son père pasteur, d'où ses démêlés avec Dieu. Conclusion : « Si nos vies s'avancent dans le monde comme des vagues, des vagues chargées d'une écume poisseuse et de détritus, elles ne font que s'agiter sur la surface de la mer avant de mourir en roulant sur le sable. Toute vie vient échouer, toute vie est un échec ; et c'est sa vocation. »

Combien de films, de romans, de poèmes, pour dire ça, et seulement ça. À quoi on peut opposer les récits des torturés d'Irak qui commencent à parler après la guerre. « Décharges électriques sur les parties génitales, coups de poing et de bâton. Ils m'ont arraché une dizaine de dents à la tenaille et cassé le nez. » Un autre : « J'ai passé quatre mois assis dans une cellule cubique, de un mètre de côté, avec deux petits orifices. Par l'un on passait un verre d'eau, un petit pain et une louche de riz par jour, l'autre était un canal d'égout. J'ai eu tous les ongles arrachés, les dents et le nez cassés. Ils frappaient avec des câbles, faisaient des coupures au rasoir quand on était suspendu. Au bout de quatre mois, j'étais aveugle, je ne bougeais plus. »

01/06/2003