Les morts votent

Qui disait déjà que la rentrée serait « brûlante » ? On ne sait plus, et c'est d'ailleurs sans importance. La vérité est plutôt confuse, rampante, comprimée, décérébrée. J'ouvre un magazine d'influence, et je lis : « Sollers est partout de peur de n'être plus rien. » En effet, il est partout, ce Sollers, mais qui est-ce ? Je l'ai entendu traité, tour à tour, de scoubidou, de mandarin, de bookmaker, de parrain, de pape, de M. Loyal du cirque littéraire, de Fregoli, de Roger Lanzac animant, dans des temps préhistoriques, La Piste aux étoiles, et, tout récemment, de Zorro. Il court sur les toits, vient de voyager en Chine, était l'autre nuit au Ritz dans une suite à côté de celle de Madonna. On chuchote qu'il est le nègre de Shan Sa, ou plutôt, après Balthus, son gourou secret. Sa dernière conférence, à Pékin, portait, il est vrai, sur Lacan, et avait pour titre Subversion du sujet et dialectique du désir.

Ce Sollers, croyez-moi, c'est Fantômas, Nosferatu, Dracula, une sorte de docteur Mabuse. Il a des pouvoirs magiques, comme tout esprit qui n'est rien. Il est d'ailleurs normal qu'on le voie partout comme n'étant rien, de peur qu'il ne soit quelque chose, mais quoi ? Comment fait-il pour produire, sans feu, tous ces écrans de fumée ? Tenez, voici mon avis : si Raffarin, notre bon et soporifique évêque du Poitou, baisse dans les sondages, c'est encore un coup tordu de Sollers. Il fait voter en douce les morts de la canicule, il accumule sur Matignon et l'Élysée des nuages de malédictions spectrales. On l'a vu, dans sa cape noire, au cimetière de Thiais, marmonnant des invocations en hommage aux morts non réclamés par leurs familles. Il hante l'ossuaire de Douaumont. Il va, vous allez voir, influencer le jury Goncourt.

28/09/2003