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Le moment est donc venu de revenir à des valeurs sûres. Après la canicule, les incendies, les attentats à n'en plus finir, le trou noir à l'horizon de la Sécurité sociale, la baisse acrobatique des impôts, les hausses en tout genre, il est urgent d'empêcher les individus de fumer. La variation des inscriptions sur les paquets de cigarettes est un vrai plaisir de lecture. Celle-ci, par exemple, qui me va droit au cœur :
« Fumer pendant la grossesse nuit à la santé de votre enfant. » Ou bien celle-ci qui m'inquiète davantage : « Fumer peut nuire aux spermatozoïdes et réduit la fertilité. » Quel homme pourrait supporter l'horreur de n'être pas fertile ? Comme le dit très justement l'écrivain américain Don DeLillo, « nous sommes entrés dans un nouvel âge, celui de la terreur, et on ne reviendra pas en arrière ».
Raison de plus pour fuir dans le passé : la rentrée littéraire, on l'a compris, se passe sous le drapeau de la Grande Guerre. Voici des poilus, des tranchées, des sacrifices, des deuils, des blessés tragiques, des larmes, des casques et des ossements enfouis dans la terre qui, elle, ne ment pas. Des veuves sublimes. Des orphelins sans avenir. Le Goncourt est, paraît-il, centenaire. Qu'il vienne à notre aide. Qu'il nous redonne une raison de croire. Qu'il se détourne enfin de ces prix donnés à des privilégiés douteux, antipopulaires, les Schuhl, les Quignard. Qu'il couronne Ferney, pas Voltaire. Ou Claudel, Philippe, pas Paul. L'automne sera bleu horizon, gris, plein d'âmes. Et vous continueriez à vous plaindre, vous, les baby-boomers dégénérés, indignes d'être les héritiers de cette grande épopée ?
28/09/2003