Phobies

Déboussolé par les attentats, les camions piégés, les synagogues explosées, les lycées juifs incendiés, le monde est en train de devenir phobe. Êtes-vous islamophobe, judéophobe, catholicophobe ? À vous de choisir. La phobie devient compulsive, une pavlovisation générale s'annonce. La peur montant de partout, les réflexes conditionnés se multiplient. La francophobie se déploie, l'anglophobie monte, l'arabophobie déborde, l'américanophobie atteint des sommets. Et comme toujours dans les époques de panique et d'ignorance, d'effondrement de la pensée et de raréfaction du vocabulaire, le vieil antisémitisme resurgit sous des couleurs neuves, flambant d'une immémoriale connerie.

Côté connerie, il faut dire que le spectacle mondial y incite. Poutine et ses oligarques, Berlusconi auteur de chansons d'amour, Andreotti amnistié en douce, l'Europe divisée malgré le beau mariage franco-allemand, Raffarin en baisse, Chirac tendant l'oreille vers 2012, les buralistes en pétard, et puis quoi encore ? Très vite, les publicitaires ont compris ce qu'ils pouvaient tirer des inscriptions phobiques qu'on peut lire sur les paquets de cigarettes. Faire-part de deuil ? Ça attire l'attention. Et voilà comment cent cartons à liseré noir s'épanouissent dans les journaux. J'en propose un, à mon tour, en pointant du doigt les dangers de la littérature : « Arrêter de lire réduit les risques de maladies nerveuses et de déviations sexuelles. » Et pourquoi pas, carrément, « Penser tue ».

30/11/2003