Saddam

C'est lui, le diable, le criminel, le destructeur massif potentiel, le tyran arrogant, notre ami d'autrefois, le traître, l'abominable moustachu devenu barbu, le tueur en cavale. On l'a eu. Chassé de ses palais, on le trouve enfin dans un trou. Il se rend sans défense, le lâche. Il a avec lui, dans une petite caisse verte, sept cent cinquante dollars. Il a été balancé par l'un de ses proches qui convoitait les vingt-cinq millions de dollars de la prime promise. Le dénonciateur n'aura rien, il ira en prison.

Quant au grand Satan, Saddam en personne, on vous le montre collé au mur, filmé, hagard, défait. On lui fouille les cheveux, on lui ouvre la bouche comme à un animal dont on veut vérifier la dentition. Il n'a pas l'air en forme, le pauvre diable. Plutôt clochard, figurant de théâtre ambulant, vieux sans domicile fixe qui passera Noël, ou plutôt Christmas, dans un endroit tenu secret, surveillé jour et nuit comme une bombe atomique.

Qui s'exprime là, dans ces images diffusées en boucle ? Big Brother lui-même, autrement dit la Technique triomphant du dragon cruel. Nous pouvons être fiers, soulagés, renforcés dans nos convictions profondes. Tout le monde doit comprendre le message. Les incrédules seront punis. Le colonel Kadhafi en a pris de la graine : le voilà réintégré dans le concert des nations, de nouveau salué, respecté, loué. Quelques Français explosés en avion ? Aucune importance. Le Dieu de Bush est bien le vrai, et le seul. La preuve : il ne veut plus de fumeurs sur cette planète. Posséder même un cendrier à New York est désormais un délit. Cachez-vous, la police enquête.

28/12/2003