Cecilia

C'était le 4 décembre, à l'Opéra de Bordeaux, Cecilia Bartoli en concert. Il faut la voir sur scène, celle-là, pas voilée pour un sou, chantant avec tout son corps, admirable musicienne incarnée, voix divine. C'est d'emblée la joie irradiée, la tendresse, le rêve, la fureur. Elle peut être tour à tour sorcière, misérable abandonnée, paysanne pseudo-naïve, Jeanne d'Arc sur les barricades, bébé ravi, nymphe endormie. Elle flotte, elle se balance, elle murmure, elle crie. Sa fantaisie, ces temps-ci, est de réhabiliter Salieri, très bon musicien écrasé par Mozart. Elle y parvient, le baroque l'enveloppe, l'a chargée d'une mission impossible : prouver le paradis.

Elle chante des trucs de ce genre :

« Je suis votre épouse et votre amante

Soyez vous-même constant

Et je vous adorerai plus que moi-même

Toujours fidèle

Et tant que me seront toujours

Concédées vos faveurs

Je vous suivrai même

Au-delà de la Dalmatie. »

C'est de l'italien, et elle possède l'italien comme personne, consonnes, voyelles, souffle, déchirures, pauses, couleurs. Le public est ébloui, debout, électrisé, théâtre comble, huit rappels, générosité folle. Ensuite, à dîner, foie gras et sauternes. Elle est gaie, elle a très bon appétit.

28/12/2003