Bordeaux

Montaigne, donc, contre la tristesse : « Je suis des plus exempts de cette passion, et ne l'aime ni l'estime, quoique le monde ait pris, comme à prix fait, de l'honorer de faveur particulière. Ils en habillent la sagesse, la vertu, la conscience : sot et monstrueux ornement. Les Italiens ont plus sortablement baptisé de son nom la malignité. Car c'est une qualité toujours nuisible, toujours folle, et comme elle est toujours couarde et basse, les Stoïciens en défendent le sentiment à leurs sages. »

« Sortablement », ici, veut dire convenablement. Hommage aux Italiens. De la tristesse est, comme par hasard, le deuxième chapitre des Essais. Autrement dit : vous voulez avoir l'air sage, vertueux, consciencieux ? Soyez triste. Mais cela est idiot, et même monstrueux. La gaieté a mauvaise réputation, la tristesse est une illusion de profondeur, voilà la folie humaine. Eh bien, les Bordelais semblaient très joyeux de leur nouveau tramway futuriste, ils se sont précipités pour l'essayer à cinq heures du matin, leur ville renaît, quais nettoyés, résurrection dix-huitième, envie de vivre.

« L'amour, dit encore Montaigne, est une agitation éveillée, vive et gaie. » Une petite panne du tramway ? Pas grave. Le Président est content, il prend un bain de foule, embrasse des bébés, caresse un chien, apprécie la technique à côté d'un Juppé enfin hilare. Signe des temps ? Attendons la suite du match.

28/12/2003