Voile
Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais je trouve cette histoire de voile fatigante. Le voile par-ci, le voile par-là, le voile et l'école, le voile et les femmes, le voile et la loi, le voile et la foi, le voile dans le Coran, toutes voiles dehors, toutes voiles dedans, ça n'arrête pas, c'est gonflant. Le ministre Ferry, de plus en plus étrange, annonce un regard inquisiteur sur les barbes, voire sur les débuts de pilosité. Le Parti musulman de France défile avec des slogans antisémites. Le cardinal Lustiger s'émeut. Des manifestations, dans les pays arabes, commencent à s'amplifier et le ministre des Affaires étrangères s'inquiète. Les États-Unis sont perplexes et réprobateurs. La France devient cette extravagante contrée où la laïcité la plus élémentaire provoque des dérobades, des confusions, des rougeurs, des pudeurs, des explications embarrassées, des nervosités.
Êtes-vous laïque ou laïciste ? Pro-voile ou anti-voile ? Croyez-vous en Dieu un peu, beaucoup, passionnément, ou pas du tout ? Et d'abord que dit le pape ? On ne sait plus très bien, il faut tendre l'oreille, déchiffrer une sorte de bouillie verbale que les autorités de la curie devraient éviter, à moins qu'elles soient désormais infiltrées par le diable voulant se venger de quelqu'un qui l'a dérangé.
Que dit le Président ? Bon, une loi. Mais le Président, dans ses vœux, adopte maintenant un truc de communication genre marteau-pilon. Il faut répéter un mot cinq fois, dix fois, cent fois, et encore une fois. Le mot pour cette année est « emploi ». Notre horizon est l'emploi, notre but l'emploi, notre action permanente l'emploi, notre conviction l'emploi. Nous voici ballottés entre le voile et l'emploi. J'ai une tête de voile, une tête d'emploi. Vais-je me rassurer en allant voir le dernier film de Catherine Breillat avec son déjà célèbre cocktail au tampax ? J'hésite.
Peut-être que le meilleur mot du mois est celui de l'actrice Julia Roberts : « Ça me plaît de penser que je gagne autant que les hommes. Je ne vois pas pourquoi un pénis vaudrait plus cher. » En effet, et autant en emporte le vent du voile, la peur de l'emploi.
01/02/2004