Interviews
Pendant des années, Pierre Boncenne a interviewé des écrivains. Il rassemble leurs propos dans un livre passionnant, Faites comme si je n'avais rien dit93, un vrai bonheur de lecture. Jugez-en. Alexandre Zinoviev (1978) : « Je me suis permis d'enfreindre une des lois fondamentales de la société communiste : je me suis opposé au collectif, je me suis placé au-dessus de lui et, du coup, j'ai conquis mon indépendance. Or cela, le collectif ne le supporte pas. »
Borges (1980) : « Je voudrais beaucoup connaître Bordeaux parce que l'un de mes meilleurs amis s'appelle Michel de Montaigne. Il y a chez lui quelque chose de si peu littéraire au mauvais sens du mot, de si direct qui n'a pas d'équivalent : vous lisez les Essais et vous avez l'impression d'être en conversation avec Michel de Montaigne. »
Aron (1977) : « Ça existe, ça ? Des gauchistes qui lisent Clausewitz ? Ça me fait plaisir. Vous savez, il y a eu beaucoup de malentendus dans ces histoires de 68. En fait, j'ai surtout attaqué mes collègues qui capitulaient devant les étudiants. »
Barthes (1979) : « L'écrivain, aujourd'hui, est fondamentalement et transcendantalement seul. Bien sûr, il a accès à des appareils de presse ou d'édition. Mais cela n'élimine pas sa solitude de créateur qui est très grande. Il est dans une marginalité si extrême qu'il ne peut même pas bénéficier de l'espèce de solidarité qui existait entre certains types de marginaux ou de minorités. Vraiment l'écrivain est terriblement seul en 1979, et c'est ce que j'ai voulu diagnostiquer à travers le cas de Sollers. »
01/02/2004