Chaos
Vous vous levez tôt, vers six heures du matin. Vous êtes loin de Paris, au bord de l'eau, vous allumez la radio, vous êtes sur France-Musique. Le programme de musique classique « Hector » vous rejoint. Pour l'instant, c'est le quatrième concerto pour violon de Mozart, interprété par Isaac Stern. Les derniers jours ont été très agités, vent, pluie, horizon bouché, mais tout se calme. Juste avant les informations, une curieuse séquence d'anniversaires en désordre vous fait savoir ce qui s'est passé culturellement ou politiquement un 21 avril à travers l'Histoire. En trois minutes, vous savez qui est né au XVIIe siècle (rarement avant), ou qui est mort au XXIe ce jour-là.
Le flash est hallucinant puisque vous entendez, mis sur le même plan implacable d'un calendrier devenu fou, des noms très connus (Bach, Racine) et d'autres dont vous n'avez pas la moindre idée, sauf, parfois, souvenir confus, un acteur comique de trente-sixième ordre. Inutile de discuter, tout le monde a sa place dans ce panthéon déréglé. C'est la démocratie portée à son comble. On naît, on meurt, il suffit de rassembler les dates au petit bonheur et d'avoir les fiches qu'il faut. Tout le monde ? Mais non. De grandes vedettes et des petites, de façon à ce que les grandes fassent valoir les petites.
Ainsi, par exemple, Bach et un compositeur d'opérettes, Racine et un violoncelliste russe parfaitement inconnu. Demain, ce sera Mozart et Carla Bruni, Shakespeare et Le Clézio, Nietzsche et Franz-Olivier Giesbert, Spinoza et Max Gallo, le Christ et ma sœur, Freud et Douste-Blazy, Einstein et Raffarin, Louis XIV et Donnedieu de Vabres, Rubens et Martine Aubry, Jean-Paul II et Zidane, Michel-Ange et Ségolène Royal. Chacun et chacune a sa chance, il suffit d'être né ou décédé un jour du mois. Après quoi, les informations : ça ne va pas fort, et pour cause. Voyez trente secondes La Ferme à la télévision : ça sent ferme.
25/04/2004