Mamère
Le mariage homosexuel de Bègles (banlieue de Bordeaux) était parfait. Un couple de rêve : lui-lui, grand, fort, baraqué, mari genre camion solide. Lui-elle, gracile, gracieux, ondulant, tout en blanc. Ils s'embrassent sur la bouche, ils se roulent une pelle. Mais c'est l'attitude du maire Mamère qui retient l'attention. Au moment de célébrer le mariage, sa voix dérape, il a un spasme émotif, ça y est, il pleure. C'est l'instant le plus troublant, le plus beau. Ne faites pas du Lacan facile en soulignant le nom de Mamère et en insistant lourdement sur le fait qu'on l'appelle d'habitude Monsieur le maire. Mamère, Monsieur le maire, se marie ici avec lui-même. Il est double, sportif à la moustache d'un côté, jeune fille en fleur de l'autre. Il est Vert mais non pervers. Au contraire : sa pureté est évidente, ses bons sentiments aussi. Il a conscience d'accomplir un désir secret de la République, une réconciliation du sexe avec son semblable, une identité renforcée, un pansement contre l'angoisse, un droit de l'homme fondamental. Les femmes qui sont là, des mères, sans doute, ne s'y trompent pas : elles sont attendries, joyeuses, comblées sans oser dire leurs raisons profondes. Ces deux jeunes mariés accomplissent le désir de leurs mères, désir longtemps nié par leurs pères. Un grand pas en avant, qui jette sur le mariage hétérosexuel classique une lumière crue et critique. Pourquoi donc suspendre Mamère ? Parler de le révoquer ? Une telle attitude est odieuse. Son sanglot témoigne pour lui. C'est ce qu'Arnaud Viviant, dans un livre-choc à paraître à la rentrée, Le Génie du communisme107, appelle, d'une formule empruntée à Lévinas, le « communisme du cœur ».
27/06/2004