Frêche
Et voici un autre maire au nom lui aussi évocateur, de Montpellier cette fois. Il décide la fermeture d'un centre régional des lettres pour des raisons que je ne comprends pas très bien. En revanche, sa déclaration ne me paraît pas d'une exquise fraîcheur. La voici : « La qualité littéraire ne saurait en aucun cas suppléer la déviance morale […] En 1945, Drieu la Rochelle, Brasillach et Céline méritaient d'être fusillés. Alors, ma réponse à moi, c'est feu sur Drieu la Rochelle. » Monsieur Frêche, maire socialiste, n'y va pas de main morte. Il fusille un suicidé, refusille un fusillé, et, pour faire place nette de quelque chose qui, visiblement, l'angoisse, il fusille un mort. Remarquez bien qu'ici la « qualité littéraire » n'est plus d'aucune excuse pour la « déviance morale ». C'est une grande question qu'on ne se lasse pas de réentendre poser. Le tout est de s'entendre sur l'expression « déviance morale ». Une ligue contre les déviances morales reste à créer. Elle réunirait des gens que tout, par ailleurs, oppose. On fusillerait tantôt Drieu et Céline, tantôt Sartre et Foucault. On pendrait tous les jours le marquis de Sade. Cet Ulysse de Joyce n'est pas net, et d'ailleurs Marie Darrieussecq, jeune romancière talentueuse, le dit dans Les Inrockuptibles : « Il y a beaucoup de bêtises dans Ulysse, surtout sur les femmes, mais il lui sera beaucoup pardonné. » Ouf, on a eu chaud. On ne fusillera pas Proust à cause de son asthme (il a d'ailleurs des protections en haut lieu, comme Morand). Je me demande quand même s'il ne faudrait pas mettre en examen Freud et Lacan. Heidegger, lui, ça ne fait pas un pli : feu ! Ce Frêche est impayable. Peut-on attendre du Parti socialiste une petite protestation contre le zèle exterminateur d'un de ses membres ? On l'espère, mais ne rêvons pas. D'ailleurs, en bon républicain, je n'admets pas qu'on ait laissé s'accomplir l'enterrement pompeux du cœur de Louis XVII, identifié par ADN, à la basilique Saint-Denis. Une messe royaliste en plein jour ! Ce cœur racorni aurait dû être saisi et fusillé place de la Concorde. Heureusement, aucun représentant de l'État ne s'est compromis dans cette obscurantiste célébration catholique.
27/06/2004