Fourniret
Vous n'arrêtez pas de le voir passer sur vos écrans, le « monstre des Ardennes », cet employé des ténèbres. Allure de fonctionnaire, réservé, strict. Neuf meurtres, ou beaucoup plus, entre la Belgique et la France, les pelleteuses à l'œuvre le diront peut-être, avec sa collaboration confuse et intéressée. Il lui fallait des vierges, il partait à la chasse, sa femme l'aidait (Monique Olivier, dame d'œuvre). Que voulez-vous, il lui fallait ses rations, ça le calmait pour un temps.
Fournir Fourniret n'était pas une mince affaire, d'autant plus qu'après les rabattages, les viols, les étranglements, il fallait encore enterrer les corps. Un homme à vierges, une épouse dévouée : le couple hétérosexuel montre là sa bordure infernale. Sans être HLBT (homo-sexuel-lesbienne-bisexuel-trans), on peut se demander si le mariage classique est encore adapté à la sombre époque en cours. La preuve : l'immense désillusion d'une pauvre star découvrant l'incroyable perversité de son fiancé infidèle, et sa plainte émouvante de vierge éplorée.
La sexualité (on devrait dire maintenant, comme Queneau, « sessualité ») est quand même un gros problème qui semble désormais conduire tout droit à la criminalité. Il y a quelque chose qui ne va pas dans cette affaire. Quelques penseurs l'ont dit autrefois, pourtant, sans être écoutés.
Je renonce, sur un sujet aussi grave, à mon apologie habituelle et décalée du XVIIIe siècle. Ce serait indécent. Je renonce aux plaisanteries faciles et de mauvais goût (genre : « Le Père Noël n'est plus une ordure puisqu'il s'appelle Mamère »). Je ne m'oppose pas au bracelet électronique généralisé pour les récidivistes. De toute façon, les humanistes ont raison en incriminant la misère, même si Céline, un expert, a eu un jour cette réflexion métaphysique : « Je ne crois pas à la misère, mais à de plus en plus de vice. » Non, nous avons foi en l'homme, et, comme l'a dit un grand humaniste, l'avenir est radieux même si le chemin est tortueux. Français, encore un effort si vous voulez être républicains.
Dans sa passionnante série intitulée « Qu'est-ce qu'être français aujourd'hui ? », Le Figaro nous a fait part de cette formule profonde de Jean d'Ormesson (que j'ai très injustement, ici même, il y a quelque temps, comparé à M. de Norpois, le personnage plutôt ridicule de Proust) : « Être français aujourd'hui, c'est être fidèle au passé pour mieux dominer un avenir qui sera tout autre chose. » Exactement mon programme, peu académique, sans doute, mais résolu. En effet, nous sommes en route, chacun le sent, pour tout autre chose. Comme le dit Patrick Le Lay, P-DG de TF1, « nous vendons du temps de cerveau disponible ».
25/07/2004