Lambron

Soyons sérieux : quelqu'un qui le mérite amplement, ce fameux prix Goncourt qui fascine l'édition française, c'est bien Marc Lambron, avec son meilleur roman paraissant à la rentrée, Les Menteurs109. C'est enlevé, très informé de l'évolution féminine locale mais aussi des coulisses du pouvoir. Enfin un roman qui balance des personnages connus dans leur ombre : Mitterrand dans les souterrains du Louvre (hallucinant), un milliardaire mafieux russe, un magazine féminin, le conflit permanent entre la FOB (femme orientale battue) et la FOG (femme occidentale geignarde), les « retours de mère » actuels (passage hilarant et juste). Et enfin Chirac en dévorateur.

« Au début du second mandat, il en restait trois sur le pré : Juppé, Sarkozy, Villepin. Le dernier plaçait la France si haut dans les nuages qu'il aurait du mal à la trouver dans les urnes. De Juppé, fils élu, on avait l'impression que l'ogre Chirac se le réservait pour l'ultime festin, lorsqu'il faudrait sucer avec volupté les os du meilleur chapon, longtemps nourri au grain, mûr pour la délectation finale. Des juges allaient en décider autrement. Restait Sarkozy. Celui-là avait la peau dure. Enfant renégat, revenu prendre sa place dans le garde-manger, il ne cessait de jeter son gant au nez du père dévorateur. On sentait qu'il attendait en vibrant d'impatience l'un de ces combats œdipiens chers aux trilogies du cinéma, Luke Skywalker contre Dark Vador, le hobbit de Neuilly contre le vieux roi des Aulnes. »

« C'était la scène archaïque et sauvage que toute la France espérait. Verrait-on le Barbe-Bleue d'Ussel, le croque-mitaine phosphorescent, l'increvable minotaure mordre la poussière sous la dague d'un Thésée monté sur échasses, d'un petit poucet déguisé en vampire ? Ou bien le vieux roi, chapelet de scalps autour du cou, poserait-il son pied sur la tête de son ancien ministre, avant de lui trancher la gorge pour boire goulûment l'hydromel dans son crâne ? » Question posée dans un roman : réponse dans la réalité future.

25/07/2004