Jeux olympiques
Entre le pèlerinage du pape à Lourdes pour le cent cinquantième anniversaire de la proclamation du dogme de l'Immaculée Conception (rappelez-moi de quoi il s'agit, je m'embrouille dans cette histoire) et les Jeux olympiques d'Athènes, le parallèle est inévitable, et Libération ne l'a pas évité : « Depuis le festival des JMJ (vite effacé) en 1997, Jean-Paul II a beaucoup vieilli. Le corps souffrant du pape montre sa participation aux communes misères qui ont mené tant d'autres corps blessés et leurs brancardiers sur les bords de l'Adour. On peut aussi y voir l'image incarnée d'une fragilité de l'institution romaine, historiquement inédite depuis ses débuts triomphants dans l'Antiquité déclinante. Coïncidences ? Cette même Antiquité fait, elle, un spectaculaire retour à Olympie chez Jupiter, avec les beaux corps de femmes et d'hommes presque nus qui dansent sous la claire lumière grecque. »
Ce tableau idyllique aurait pu être plus précis, dans la mesure où Jupiter n'a jamais été un dieu grec. Il faut dire Zeus, aucun doute. Quant à la « claire lumière grecque », ce qu'on voyait surtout, lors de l'inauguration, c'était projecteurs sur projecteurs, écrans géants, figurante apparaissant enceinte d'une boule orangée (immaculée conception qui, dans son outrance kitsch, n'avait rien à envier aux vierges sulpiciennes de Lourdes). La flamme avait l'air tellement artificielle que son engouffrement dans une haute fusée à réaction faisait davantage penser à Cap Canaveral qu'à une épreuve chantée par Pindare.
Je ne veux évidemment pas jeter ici la moindre ombre sur Laure Manaudou, Frédérique Jossinet ou Brice Guyart, d'autant plus que ce fleurettiste de talent aime citer une phrase profonde d'André Malraux : « On est vainqueur quand on a un moral de vainqueur. » Malraux se dopait beaucoup, c'est connu. Quant aux femmes, si, d'après Jean-Paul II, elles sont « les sentinelles de l'invisible » (image malheureusement militaire), les plus riantes m'ont paru être celles des délégations du Honduras et du Niger. Bien préférables, en tout cas, aux Américaines et aux Russes. Entre Lourdes et Athènes, si on m'y oblige, je choisis naturellement Athènes, à condition de prendre le premier bateau venu.
L'Histoire est bizarre, surtout quand on regarde les dates de près. Sur l'Immaculée Conception, je me suis attaché à une explication pour les amateurs, dans un petit livre dont il a été très peu question à la télévision, Le Saint-Âne111. Ce dogme de 1854 correspond à la date de naissance de Rimbaud. Coubertin, lui, l'inventeur des Jeux olympiques, ancien élève des jésuites et imbibé de grec, a été soutenu en 1858 par une « Fondation Olympia » (exposition nationale d'industrie, d'agriculture et beaux-arts, avec un programme d'athlétisme). La bonne riposte ne s'est pas fait attendre : l'Olympia de Manet a fait scandale à Paris, en 1863, même année que Le Déjeuner sur l'herbe. Manet avait trente et un ans. Deux tableaux à revoir pour mesurer la régression générale.
22/08/2004