Cartier-Bresson
Vous pensez que je ne vous parle pas assez du mausolée de Nadjaf, lieu sacré des chiites (qui a l'air d'embarrasser le vieux Donald Rumsfeld), de la campagne de Kerry et de sa dynamique et milliardaire épouse Teresa, du clonage en bonne voie, du départ de Zidane, de l'été rassembleur de Sarkozy. Je préfère m'arrêter à Cartier-Bresson, ce rapide artiste de l'instinct photographique, à qui on doit tant d'admirables portraits inquiétants, dramatiques ou cruels.
Dans son livre publié autrefois112, un portrait en page de gauche est souvent mis en abyme psychologique avec un autre portrait, en page de droite. Ainsi, Aragon à gauche, une vieille femme à droite. Il y a là, quelque part, une photo très intense de moi, la plus « vraie » qu'on ait jamais prise. Je sors des hôpitaux militaires pendant la guerre d'Algérie, j'ai réussi, après une grève de la faim, et grâce à André Malraux, à être réformé no 2 sans pension pour « terrain schizoïde aigu », j'ai maigri de vingt kilos, je m'apprête à dire quelque chose lors d'une réunion aux Éditions de Minuit. Cartier-Bresson est là, il bouge comme un chat, arme son appareil en nageant, s'en va. Le résultat est là : un profil de masque mortuaire très vivant et fanatique de moine-soldat.
Dans le livre de Cartier, page de gauche. Et en page de droite, cadeau : Giacometti en train de modeler une de ses petites statuettes étrusques. Rapport purement formel, cela va de soi.
22/08/2004