Europe
On croyait avoir compris qu'entre le délire américain et la pesanteur russe, chaque Européen, surtout français, et responsable politique, se sentirait enclin à aller dans le sens du projet de Constitution européenne. L'instinct de survie ou simplement le bon sens y conduisent. Eh bien, non. Il y a du non dans l'air. Du non possible, et du non tout court. Du non tranchant, du non contourné, du non embarrassé, du non insidieux, du non peureux.
J'ai beaucoup de considération pour Laurent Fabius, mais sa façon de se mettre d'un coup, en 2007, dans le rôle de président déjà élu de la République française m'a franchement étonné. Oui, c'est ça, les socialistes m'étonnent. Ils gagnent des élections, et tout se passe comme s'ils étaient honteux de cette victoire, comme s'ils ne s'en trouvaient pas dignes, comme s'il fallait chaque fois recommencer à se diviser pour régner.
À ce jeu-là, dirait n'importe quel Machiavel amateur, la droite est beaucoup plus forte. Le requin Sarkozy, la mouette Villepin, le cheval Chirac, la biche Douste-Blazy font déjà le plein de la représentation. Ils se combattent, mais chacun son jeu, sa grosse caisse ou sa petite musique. Mais qui va distinguer, dans la plaine, les socialistes du oui des socialistes du non ? Il faudrait être chinois pour être sûr de ne pas se tromper dans cette grande manœuvre provinciale.
Il est vrai que, sans bruit, sans explosions, de manière ultrafluide, Hu Jintao, à Pékin, vient de se voir confier les pleins pouvoirs. Les Chinois, on s'en rendra compte de mieux en mieux, sont très européens, et pour cause. De Gaulle l'a compris il y a quarante ans (surtout grâce à Malraux). On reverra ce film dans quarante ans. Pour l'instant, disons-le froidement : retarder l'Europe, c'est dire oui au couple Bush-Poutine. Avec les dénégations d'usage, bien sûr.
26/09/2004