Titan

Et me voici, de plus en plus fort que Jules Verne, en train de regarder à la loupe ce satellite de Saturne situé à plus d'un milliard de kilomètres de ma petite planète. Je vois des cailloux. Je me demande si la vie, jadis, a pu surgir dans ce dépotoir inhabitable. Je viens de quitter des photos épouvantables du tsunami et de l'enfer du Darfour, heureusement qu'en tournant les pages de mon magazine la publicité me rassure, de même que le bonheur épanoui de vedettes souriant à leur dernier bébé adopté. Partout des couples heureux, des amours, des jeunes femmes enceintes ou sur le point de l'être (mais n'oublions pas qu'une Roumaine de soixante-sept ans vient d'accoucher de jumelles dont l'une est, hélas, perdue).

Je reviens à Titan (hier, c'était Mars, et demain la galaxie dans son ensemble), et je me persuade immédiatement que je vis bien dans le meilleur des mondes possibles. Je m'en persuade d'autant plus que je lis le titre suivant : « Le capitalisme chinois à l'assaut du monde occidental ». Marionnaud, les parfums, repris par Hongkong, la vie est un roman, pas de doute. Un ironiste vient de m'envoyer ce titre et le dessin qui l'accompagne, où on voit une jeune et pimpante Chinoise se vaporiser les joues avec un grand sourire. Mon correspondant a mis une bulle dans la bouche de la Chinoise qui, faisant allusion à ma jeunesse hasardeuse, s'exclame « Bravo les maos ! »

Où l'on voit que l'ironiste reste naïf en croyant que Mao, ce grand criminel subtil, désapprouverait aujourd'hui la fulgurante ascension du capitalisme chinois. Mais non, voyons, il n'avait pas d'autre but. La preuve : Staline et Hitler ont disparu, la photo de Mao est toujours là. Je note tout de même qu'un film vient de sortir sur la sinistre fin de Hitler dans son bunker où, semble-t-il, il apparaît presque humain. Je m'abstiendrai d'aller le voir, mais, décidément, le capitalisme est étrange.

30/01/2005