Pape

Donnons quand même la vedette au pape. Sa mort est annoncée, tout le monde se précipite, les salles de rédaction sont en fièvre, les photos sont prêtes, les articles sont déjà écrits, les montages de films d'actualité sont prêts. Audimat garanti, ventes massives, spéculations déjà connues sur son successeur. Rome, finalement, reste Rome.

Tout cela vous choque peut-être, vous scandalise, vous fait hausser les épaules ou ricaner, ou bien vous émeut quand même, un peu (non-croyant modéré), beaucoup (croyant aliéné). La communication du Vatican exagère : apparition à la fenêtre de la clinique, micro tendu à la forme blanche tassée, gargouillis inaudible, Angélus parti en fumée, reprise un peu plus ferme peut-être en play-back, petit geste de la main, et voilà.

Ce Saint-Siège se moque de nous depuis des siècles, et ça continue de plus belle. À quoi joue-t-il maintenant ? À l'exténuation du martyr ? À l'agonie en direct ? Ce pape est-il conscient, oui ou non ? Peut-il diriger l'Église par griffonnages et regards ? Jusqu'à quand nous infligera-t-on ce râle venu déjà d'outre-tombe ?

Ce qui est clair, en tout cas, c'est qu'il s'agit d'une offensive sans précédent contre l'esprit d'entreprise. Il est invraisemblable que ce pape n'ait pas été dessaisi de ses fonctions par la direction des ressources humaines. Aucun P-DG ne pourrait s'imposer de la sorte devant son conseil d'administration. L'Église romaine va trop loin : sans parler des sujets qui fâchent (avortement, préservatif, homosexualité, embryons, non-accès des femmes à la prêtrise), elle donne là un exemple accablant de non-respect des lois du marché.

Un chef d'entreprise (car, après tout, c'en est un comme un autre) doit être en forme, souriant, disert, autoritaire en souplesse, sûr de lui et dominateur. Bush, par exemple, ferait un bon pape. Ou Poutine. Ou Blair. Ou Zapatero. Ou Berlusconi. Et pourquoi pas Chirac ? On se demande ce qui leur manque pour ne pas postuler à cette fonction suprême. Bon, ils sont mariés, c'est vrai, et, pour certains, leur morale laisse à désirer. Mais enfin, cachez-nous ce vieillard bredouillant que nos actionnaires ne veulent plus voir. Et remplacez-le par un pape dynamique et progressiste. On vous en prie. Tous les médias vous en prient. Un beau jeune pape fringant et sportif ferait admirablement l'affaire. Un Noir. Un Sud-Américain. Un Chinois peut-être, demain.

27/02/2005