Surréalisme

Simone Breton a été la première femme d'André Breton, et on vient de publier ses lettres de jeunesse (1919-1929) à sa cousine Denise Lévy133. Ce sont de vraies lettres d'amour, vives, fraîches, et surtout d'un intérêt considérable sur les acteurs de l'époque, celle de la grande histoire de Paris.

Voici ce que Simone, en 1920, dit de sa rencontre avec Breton : « Ce mercredi 14 juillet, il y eut à la maison une conversation magnifique, abstraite et imagée, sur les sujets les plus divers, complexes et attachants, non entachée d'aucun flirt ni coquetterie – une simplicité et une sincérité très grandes, même dans le contradictoire. » Breton ? « Une personnalité de poète très spéciale, éprise de rare et d'impossible, juste ce qu'il faut de déséquilibre, soutenu par une intelligence précise même dans l'inconscient, pénétrante avec une originalité absolue que n'a pas compromise une belle culture littéraire, philosophique et scientifique. »

À l'époque, Breton habite au coin de l'île Saint-Louis, à l'entresol, sur la Seine, « la fenêtre un peu plus haute que le parapet, une pièce tendue de papier jaune, un divan bleu-vert, un mur de livres ». Il fait une revue, ce jeune homme de vingt-quatre ans, elle s'appelle Littérature.

La grande aventure ne fait que commencer, Simone est éblouie : « Tu ne sais pas quelle vie merveilleuse je mène, au cœur de “l'esprit” dans sa plus récente évolution. Toutes les manifestations nouvelles de l'esprit humain, je n'ai pas besoin même d'acheter une revue, un journal ou un livre. Il suffit que je me tourne vers l'un, vers l'autre de ceux qui m'entourent quotidiennement. Elles sont dans l'air que je respire. »

Voici Picasso en 1921 : « Il est petit, brun, fin, mince, tout entier un regard intelligent, mobile, qui pénètre avant même de voir. » C'est le temps des grandes amitiés avant les ruptures. Passent Drieu, Soupault, Aragon, Artaud « beau comme une vague » : « Il représente un supplice et il est sympathique comme une catastrophe. » Ce qui touche le plus, ce sont de simples détails de présence, ainsi le 21 mai 1921 : « La vie était belle aujourd'hui. Il faisait beau soleil. J'avais une jolie robe. André avait l'air d'avoir quinze ans. »

27/02/2005