Époque
Vous trouvez que je plaisante, mais vous avez tort, je suis très sérieux. C'est l'époque, en revanche, qui feint d'être sérieuse, mais qui me paraît de plus en plus folle. La photo du jour est celle d'un paysan afghan trônant au milieu de son champ de pavot, autrefois interdit par les talibans. Il est radieux, il brandit une poignée de drogue future, voilà un homme de la campagne heureux. L'Afghanistan est un grand narco-État. Plus de trois mille cinq cents tonnes d'opium y sont produites chaque année, soit près de 80 % de la production mondiale, ce qui génère la moitié du PIB afghan. La guerre du pétrole est aussi une guerre de l'opium.
Vous me direz que, côté avions, l'A 380 s'est élevé majestueusement dans les airs. C'est un fait, et comment ne pas s'en réjouir ? Comment ne pas s'attendrir aussi sur le petit Alexandre, fils d'Albert de Monaco et d'une hôtesse de l'air togolaise ? Comment ne pas applaudir à la victoire souriante de Tony Blair malgré ses mensonges éhontés sur la guerre en Irak ? Applaudissements vite réprimés, d'ailleurs, par les explosions permanentes et le sort tragique de l'otage Florence Aubenas. Voilà l'atmosphère. Un détail plaisant, cependant : c'est Bernard Frank, dans une de ses dernières chroniques de L'Observateur, qui trouve que le nouveau pape allemand, Benoît XVI, a quelque chose de moi dans le regard. J'ai, bien entendu, transmis cette remarque troublante au Vatican, en même temps que mon livre sur Mozart, puisque c'est, paraît-il, le musicien préféré du pape. J'attends la réponse. Vous saurez tout.
29/05/2005