Houellebecq

Les Inrockuptibles, toujours à la pointe de l'actualité souterraine, préparent le tsunami de la rentrée : le roman de Michel Houellebecq, intitulé (titre peut-être un peu long) La Possibilité d'une île. D'où « une rencontre andalouse avec un auteur heureux ». Une rencontre, bien sûr, « exclusive », dans son « refuge ». Les fans de Houellebecq l'aimeront-ils en « auteur heureux » ? C'est tout le problème. L'entretien se déroule dans un des hôtels de charme d'Espagne. Houellebecq est souriant, bronzé, serein, apparemment en pleine forme.

Son roman paraîtra en France le 1er septembre, mais aussi quasiment au même moment en Allemagne, en Angleterre, en Italie, aux États-Unis, en Espagne. Ce qui semble inquiéter un peu l'interviewer, c'est la façon dont Houellebecq écoute maintenant la Messe en si de Bach, et même le début en boucle (rassurons-nous, il y a aussi les Pink Floyd). Cette messe, pourtant, est étrange. Houellebecq serait-il saisi d'une nostalgie catholique, lui, le fervent thuriféraire de la religion positiviste d'Auguste Comte ? Il parle du vieillissement, et a les larmes aux yeux en annonçant que son livre est triste. Il dit que les gens ne peuvent pas comprendre ce qu'on éprouve d'avoir grandi avec des parents qui ne vous aiment pas.

Il précise : la chute du catholicisme l'obsède. « Il y a une interrogation pour laquelle je n'ai pas vraiment trouvé la réponse : qu'est devenue l'espérance de la vie éternelle ? » Plus loin : « Les gens avaient la foi dans une éternité de bonheur, ils ont maintenant la foi dans le néant. Mais on n'y peut rien, la vérité est triste. C'est quand même globalement un événement triste, la fin des religions. » La vérité comme tristesse, la tristesse comme vérité, voilà un message qui ne devrait pas être mal reçu.

La science met fin aux religions ? Chaque jour nous prouve le contraire. Il faut être l'inénarrable socialiste Georges Frêche pour traiter le défunt Jean-Paul II d'« abruti » et regretter que l'Allemand Benoît XVI ne soit pas mort, jeune, dans les bombardements de Dresde. Les Guignols, eux, l'avaient immédiatement nommé « Adolf II ». On se défoule comme on peut, mais les passions persistent. Heureusement, il nous reste la Messe en si. Houellebecq, d'ailleurs, en convient : pour les besoins de son roman, il a fréquenté une secte (il y en a des centaines en voie d'expansion). « Ils étaient deux mille à hurler et ça m'a beaucoup plus effrayé que les deux millions de jeunes que j'avais vus aux JMJ. » L'avantage, avec les foules catholiques, c'est qu'on leur met la messe de Bach et elles se taisent. C'est toujours bon à savoir.

29/05/2005