Futur
La télévision s'adapte à tout, c'est son rôle. Je lis que, désormais, les chaînes vont se transformer en machines à explorer l'avenir en diffusant une multitude de téléfilms et de docu-fictions qui envisagent le futur sous des auspices plus ou moins effrayants. C'était déjà le cas, mais la demande s'amplifie, s'aggrave. Le journal Le Monde raconte : « Une jeune fille, jeans troués, pousse la porte avec timidité. Elle s'avance au centre de la pièce, s'assied face à un comité de trois scientifiques qui sondent avec froideur ses motivations. L'interrogatoire est bref mais filmé sous quatre angles différents. Secondé par une éminente biologiste, le gourou d'une secte recrute des cobayes désargentés qui acceptent de se prêter à des expériences de thérapie génique qui transforment leur personnalité. Quelques siècles plus tard, l'humanité mutante ne s'exprimera plus qu'en chanson : terrifiante mélodie du bonheur que signe Sarah Lévy, avec Yolande Moreau et Jean-Claude Dreyfus dans la distribution. »
Riche idée, et qui, d'ailleurs, vient, elle aussi, d'Angleterre. La réalisatrice s'explique : « Ce n'est pas de l'anticipation mais de l'extrapolation. J'ai discuté avec de nombreux biologistes moléculaires et n'ai rien inventé : la possibilité d'intervenir sur les cellules germinales pour diminuer une maladie rare, les termes de “gène suicide” ou d'“anti-sens” qui désignent un processus de neutralisation des protéines. » Vous aurez donc le droit, pêle-mêle, à un trafic de clones pour des greffes d'organes, à l'effacement des frontières, déjà très avancé, entre le réel et le virtuel, à des histoires de mondes parallèles, à des maladies infectieuses inconnues, bref à des séries de catastrophes qui doivent vous faire éprouver à quel point vous êtes privilégié, là, dans votre fauteuil. Vous communiquerez avec les animaux, et une puce informatique, implantée sous votre peau, vous rendra capable de comprendre n'importe quelle langue étrangère (sans en savoir davantage, bien entendu, sur la vôtre). En 2030, votre espérance de vie atteint cent cinquante ans. Sachez, en tout cas, que la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette, la Cité de l'espace et le Futuroscope envisagent d'ores et déjà un partenariat.
Le docu-fiction peut aussi bien reconstituer le passé qu'inventer l'avenir. Dans quel sens ? Une responsable se révèle d'un coup : « Ces films qui emploient la même méthode – l'approche scientifique enrichie par l'imaginaire – permettent d'apaiser un malaise social et donnent au citoyen les moyens de réfléchir, voire d'agir. » Pour apaiser le malaise social, voilà le bon narcotique. Quant à réfléchir ou agir, on verra ça une autre fois. Une seule question : quelle sera la part de l'érotisme dans ce déluge ? Y aura-t-il des scènes pornos ? Je suppose que, sur tous ces sujets, le spécialiste Michel Houellebecq doit avoir ses idées. Mais pourra-t-il montrer ce qu'il veut montrer ?
26/06/2005