Pauvre Houellebecq

On m'assure que les intrigues se multiplient pour priver Houellebecq du prix Goncourt. C'est très injuste, mais on peut voir là un sursaut du milieu littéraire, furieux d'avoir été dépassé par les événements. C'est curieux comme les professionnels de la manipulation se mettent à crier contre la manipulation quand la manipulation n'est pas passée par la leur. Quoi qu'il en soit, La Possibilité d'une île reste le meilleur roman de la rentrée, et voici un argument sentimental en faveur de l'auteur.

Dans une curieuse déclaration, intitulée Mourir, Houellebecq fait cette poignante confidence : « Lorsque j'étais bébé, ma mère ne m'a pas suffisamment bercé, caressé, cajolé ; elle n'a simplement pas été suffisamment tendre ; c'est tout et ça explique le reste, et l'intégralité de ma personnalité à peu près, ses zones les plus douloureuses en tout cas. Aujourd'hui encore, lorsqu'une femme refuse de me toucher, de me caresser, j'en éprouve une souffrance atroce, intolérable ; c'est un déchirement, un effondrement, c'est si effrayant que j'ai toujours préféré, plutôt que de prendre le risque, renoncer à toute tentative de séduction… Je le sais maintenant : jusqu'à ma mort, je resterai un tout petit enfant abandonné, hurlant de peur et de froid, affamé de caresses. »

Quand je lis ça, que voulez-vous, je craque. Houellebecq a de l'argent, soit, mais l'argent ne fait pas le bonheur. J'ai un tempérament social : le malheur doit être récompensé, et le bonheur puni. Le Goncourt, donc, ou au moins le Femina s'il y a encore des entrailles de compassion en ce monde.

25/09/2005