Weyergans
Il est vrai que Weyergans, avec son Trois jours chez ma mère151, roman si longtemps attendu, est un concurrent redoutable. Son livre est excellent, drôle, emporté, virtuose, émouvant, du grand art. Ce jeune homme de soixante-quatre ans, ancien enfant de chœur, dame le pion à tous les vieux jeunes d'aujourd'hui qui se traînent à côté de lui dans un naturalisme poussif. Son délirant Salomé152, qu'il a raison de publier, alors qu'il a été écrit en 1969, n'a pas une ride.
Ses Trois jours, avec des coucheries très crues et épatantes, comportent des passages de ce genre : « C'est loin d'être la première fois que je choisis un écrivain comme narrateur. Je me sens plus à l'aise avec un écrivain qu'avec un serial killer, un chirurgien ou un ministre. Les écrivains, dans les romans, sont de plus en plus déprimés, aux prises avec l'argent, le sexe, leur famille et les concepts opératoires qu'ils opposent aux vérités prétendument éternelles. Le narrateur de mon livre s'enferme chaque nuit dans une pièce où il se propose de travailler mais où il se livre à d'autres occupations qui, dirai-je en sa faveur, sont censées lui donner des idées pour le travail en cours.
« “Mais qu'est-ce que tu fais toutes les nuits ?” s'était inquiétée sa mère. Il n'a pas osé lui répondre qu'à l'âge qu'il avait il se masturbait encore, non pas au figuré dans ses textes, mais au propre, si le mot propre convient quand il s'agit d'essuyer avec un mouchoir en papier le sperme qui dégouline sur le ventre, les cuisses et le plancher. »
Voilà un auteur qui a du jus, en tout cas. On admire.
25/09/2005