Ophélie

Ma libraire, Ophélie, me bat froid, c'est un fait, elle a sa mauvaise figure. Je crois comprendre qu'elle me reproche tout : d'avoir soutenu Houellebecq, dont les ventes, paraît-il, se tassent ; d'avoir dit du bien de Weyergans qui n'hésite pas à faire étalage de ses aventures extraconjugales ; bref, c'est son point de vue bétonné, de ne pas être moral. Elle trouve Houellebecq d'une misogynie écœurante, a interdit à sa fille de lire La Possibilité d'une île, espère bien qu'un livre aussi déprimant n'aura pas le Goncourt (un méchant roman qui parle de « pétasses » et de « rombières », un ramassis d'obsessions sexuelles de très mauvais goût). « D'ailleurs, sa femme le quitte », me dit Ophélie, dans un élan de solidarité féminine. Elle me conseille vivement le Hannah Arendt de Laure Adler153 et, bien entendu, prend un air dégoûté quand je lui demande Approche de Hölderlin, de Heidegger154. Va-t-elle me traiter de nazi ? C'est tout juste. Délicieuse Ophélie : la détestation la rend brusquement jolie.

30/10/2005