Wagner
Et le revoilà, celui-là, il est increvable. On monte le Ring dans l'admiration générale, les jeunes musiciens sont prosternés, et, grâce à Bob Wilson, Wagner est de nouveau d'avant-garde. C'est le moment de relire ce grand méconnu : Nietzsche.
Voici ce qu'il écrit dans Le Cas Wagner155 : « Wagner est la ruine de la musique. Il a su déceler en elle le moyen d'agacer les nerfs fatigués et, par là, il a rendu la musique malade. Ses dons d'invention ne sont pas minces dans l'art d'aiguillonner ceux qui sont à bout de forces, de rappeler à la vie les demi-morts. Il est le maître des passes hypnotiques ; les plus forts, il les renverse comme des taureaux. Le succès de Wagner – son succès sur les nerfs, et donc auprès des femmes – a fait de tous les ambitieux du monde de la musique des disciples de son art maléfique. Et c'est vrai non seulement des ambitieux, mais aussi des malins… De nos jours, on ne gagne plus d'argent qu'avec la musique malade. Nos grands théâtres vivent de Wagner. » Ces lignes datent de mai 1888.
Et aussi : « Ah, le vieux sorcier ! Comme il nous fait la guerre, à nous, les esprits libres ! Comme de ses accents de sirène il sait plier à sa guise toutes les lâchetés de l'âme moderne ! Jamais il n'y eut haine plus mortelle de la connaissance ! Il faut être un cynique pour ne pas être séduit, il faut savoir mordre pour ne pas tomber en adoration. » Mais qui est encore cynique ? Et qui sait encore mordre ? Pour comprendre ce qui se joue là d'essentiel, il faut redécouvrir tout Nietzsche, décidément l'auteur le plus actuel.
30/10/2005