Mozart
Mozart vient d'avoir deux cent cinquante ans, et il n'a jamais été aussi jeune. « Jamais aussi jeune, le scélérat », comme dirait Bernard Pivot en pensant au fameux dialogue de Don Giovanni. La statue du Commandeur demande à Don Juan de se repentir : « Repens-toi, scélérat ! » Et l'autre, décidément insensible à toute morale, lui répond : « Non, vieil infatué ! » Il vient de chanter son hymne à la liberté : « Vive les femmes, vive le bon vin, soutien et gloire de l'humanité ! » Il doit être puni, il va aller en enfer. A-t-on jamais écrit une musique aussi dramatique, aussi audacieuse ? Pauvre Mozart : le voici mis à toutes les sauces, découpé en morceaux, diffusé par fragments à longueur de temps, devenu une marchandise à bonbons, incarné dans des feuilletons radiophoniques par des comédiens ineptes, faisant jaser et encore jaser, lui, le virtuose du grand silence ! Mais aussi, quelle revanche ! Quelle victoire par rapport à l'écrasant Wagner ! Quel vent de liberté dans le tintamarre ! Le subtil Benoît XVI a pris les devants, dès l'été dernier, en faisant savoir qu'il aimait jouer au piano Mozart, son musicien préféré. On a ainsi monté son piano demi-queue (charmante nuance pour un pape) dans les étages du Vatican. Entendez-vous, la nuit, cette merveilleuse sonate venant des appartements pontificaux ? N'êtes-vous pas convaincus qu'à ce moment-là Dieu existe ? Est-il possible, comme la rumeur en court, qu'après avoir bien joué son musicien préféré le pape se fasse des bisous sur les mains ? Mozart est amour, c'est certain.
29/01/2006