Lectures
Ne perdez pas votre temps avec les lourds et barbants romans anglo-saxons que vous vante, de façon automatique, la critique littéraire. La littérature française est en pleine forme, soutenez-la, aidez-la. À part Une vie divine, vous lisez déjà l'excellent petit Ravel de Jean Echenoz164. Mais vous n'avez pas encore assez découvert un écrivain majeur de notre temps, Valère Novarina, dont voici Lumières du corps165, méditation profonde et nerveuse sur le théâtre comme vie métaphysique. « Mais les idoles d'aujourd'hui les plus mortes sont les mots. Nous nous sommes forgé à partir d'eux des statues invisibles que nous vénérons mécaniquement ; nous nous agenouillons devant les mots magiques agités comme des grigris… Alors qu'il faut replacer les mots dans leur dépense, leur marche, leur chemin, leur passion, dans leur voie ardente. Le langage doit être remis au feu. Notre corps est emporté avec la pensée. La respiration nous donne ordre de traverser, nous rappelle que nous sommes des animaux de passage. » Et aussi : « La lumière passe par-dedans la matière, c'est là la vraie physique des amants bien accordés : Dieu est une attraction dans l'univers aimanté, une force nue multipliante allant au un. Aucune force de mort n'est en lui, aucune force de destruction : l'amour est simple, l'amour est voyant, l'amour est d'un trait, les amants voient soudain d'un seul instant l'univers aimanté. » Et aussi : « Le langage est une figure de la matière. Le langage est au plus près de la matière vraie parce qu'il se tisse sans cesse à plusieurs temps, apparaît et disparaît, parce qu'il est en volume, respire ; parce qu'il se déploie en volutes, parce qu'il meurt et parce qu'il est insaisissable mouvement. Les phrases sont des phénomènes de la nature. Les phénomènes de la nature sont des phrases. »
29/01/2006