Outreau
Les innocents ont été acquittés, le juge jugé de façon télévisée, tout est nettoyé, le soulagement est extrême. Le juge Burgaud avait l'air de passer son bac devant des examinateurs prospères. Il n'en menait pas large, il bafouillait, il relisait sa copie, il pensait avoir fait son devoir, mais non, il était collé à l'oral, et avec lui toute l'institution judiciaire. On finissait par oublier qu'il y avait eu des coupables, à commencer par l'incroyable Myriam Badaoui, grande figure de la maladie du temps. Scène dantesque ? Oui, mais à la mesure étriquée de notre époque. L'enfer est désormais grisâtre, sinistre, ennuyeux, administratif, tocard. Misère, misère, comme les tortures infligées au pauvre Ilan par le gang antisémite dirigé par le « cerveau des barbares ». Fourmillement de petits enfers partout, déferlement de banlieue. Vous ajoutez dans le film le Clemenceau à la dérive, Alliot-Marie humiliée, Chirac à la course aux contrats à Bangkok et à New Delhi, la controverse autour du CPE avec ses envolées oratoires, et vous obtenez un vide assez conséquent. Il nous manque ici le grand roman qui envelopperait tout cela dans un style rude et tragique. Marguerite Duras, aujourd'hui, trouverait, de façon forcément sublime, l'angle qu'il faut. Elle écrirait un bref récit fulgurant, L'Amiante.
26/02/2006