Rome
Plutôt Prodi que Berlusconi ? Bien sûr. Après ça, bonjour la confusion, les carambolages, les coups tordus, les rivalités hétéroclites, toujours le Spectacle et ses lois. L'Italie est un pays de pointe en la matière, et, à vrai dire, on a chaque fois l'impression que l'Italie fonctionne toute seule, on ne sait jamais très bien comment ni pourquoi. La star de Rome, n'en déplaise aux autres religions comme aux incroyants courants, est quand même le pape, le nouveau, l'Allemand, Ratzinger, autrement dit Benoît XVI. Pour rien au monde je ne manquerais la retransmission de la bénédiction urbi et orbi du dimanche de Pâques à midi, devant, chaque fois, une foule considérable. La proclamation de la résurrection du Christ en plus de cinquante langues est la plus surréaliste qui soit. Imaginez le travail, intonation, changements d'accents, répétitions, et, sans doute, rêves. La moindre faute serait un crash.
Là-dessus, les vaticanologues s'interrogent. Ce pape est secret, réservé, solitaire, réfléchi, ce n'est pas un bon client pour les journalistes. Il tranche avec le style rock de son prédécesseur. N'est-il pas élitiste, aristocratique ? Il a une voix un peu flûtée, sa virilité n'est pas évidente, il se lève tôt, se couche tôt, n'invite personne à sa messe du matin, et convie très peu de monde à sa table. On l'entend souvent jouer du Mozart au piano. Un spécialiste du Messagero se demande s'il habite bien « ce monde où résonnent aujourd'hui des tragédies wagnériennes avec des héros païens ». Henri Tincq, dans Le Monde, renchérit dans un article intitulé « La petite musique de Benoît XVI ». Question : « Le pape Ratzinger est-il taillé pour affronter les drames wagnériens de la planète, ou restera-t-il l'homme de la petite musique mozartienne ? » On peut se demander ce que les commentateurs des caves ou des greniers du Vatican diraient si un pape allemand choisissait de faire jouer du Wagner dans ses appartements. Je ne savais pas, quant à moi, que Mozart était de la « petite musique ». Il est vrai que l'équation Pape + Mozart a un air étrange : quelque chose me dit pourtant qu'elle dérange le Diable, dont nous pouvons moins douter que de Dieu.
30/04/2006