Foot
La tête est confuse, les jambes s'enlisent, je parle évidemment des Bleus, et de la France qui n'arrive pas à marquer des buts. Cette équipe, malgré sa difficile victoire sur le Togo, est malade, aucun doute. Pauvre Zizou appliqué, pauvre Thierry Henry étouffé, pauvre Ribéry brouillon, pauvre Cissé opéré, étrange Domenech buté, sombre plaine. On a l'impression que les Français se la jouent plutôt que de jouer, ils sont dans un film, le match a déjà eu lieu, la seconde mi-temps leur paraît trop longue, si on pouvait passer tout de suite aux interviews et à la publicité, ce serait mieux, on pourrait respirer. On n'est pas starisé pour affronter la réalité. On n'est pas une vedette pour faire ses preuves. Chirac, déprimé, maintient Villepin en attaque, mais l'embêtant c'est que ce joueur s'obstine à rater ses penaltys. Vous avez remarqué que l'ailier Sarkozy fait tout pour ne pas lui passer le ballon, et frappe de façon déraisonnable en touche. L'équipe se rebiffe, essaie de faire pression sur l'entraîneur qui n'en démord pas, en grommelant qu'il n'est pas là pour céder à la dictature de la rumeur. Les éléphants socialistes, en milieu de terrain, font traîner la partie en attendant de prendre les commandes du bateau à la dérive. Les remplaçants, sur leurs bancs, boudent de façon voyante. L'univers nous regarde, ricane, s'apitoie, ne manque pas une occasion de tirer sur le coq gaulois. Pendant ce temps-là, les Argentins emballent leur tango, les Brésiliens continuent leur samba, les Espagnols peaufinent leur corrida, les Portugais naviguent, les Anglais et les Allemands sont professionnels, aucun état d'âme, alors que la psychologie ravage les visages hexagonaux. Je te hais, je t'adore, j'aurai ta peau, je ne pense qu'à toi, mourons ensemble, c'est la loi. Des femmes, ici et là, s'inquiètent dans les tribunes. Que faire ? Les raisonner ? Ils n'écoutent rien. Demander à l'armée d'intervenir ? Pourquoi pas, mais c'est quand même un risque. Les joueurs, maintenant, en sont à s'insulter en public. Le mot « lâcheté » est prononcé et enregistré. L'avant-centre l'a crié à l'ailier gauche qui venait de bousiller un corner. L'arbitre siffle, sort tous ses cartons jaunes, perd les rouges, les ramasse, et renvoie tout le monde aux vestiaires sous l'œil médusé de l'équipe étrangère qui n'en attendait pas tant de son adversaire supposé.
25/06/2006